Olivier Lamoureux :
engagé pour la
réduction du
gaspillage alimentaire

Dans cette entrevue, nous avons discuté avec Olivier, producteur à la ferme coopérative Les Jardins de la Résistance, qui collabore avec les Complices Alimentaires pour réduire le gaspillage et soutenir la sécurité alimentaire en Montérégie. Cette relation symbiotique entre producteurs et organismes communautaires est au cœur de cette discussion, où Olivier partage sa vision, ses défis et ses aspirations pour l’avenir.
S&S : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous impliquer dans la récupération et la valorisation alimentaire avec les Complices Alimentaires ?
Olivier : Avant même de collaborer avec les Complices, nous travaillions déjà avec la banque alimentaire pour récupérer nos surplus. Pour nous, jeter des légumes encore consommables, mais non vendables, était un non-sens. Les Complices ont repris ce rôle et l’ont amélioré en offrant une solution locale et efficace. Leur mission est louable, et leur modèle est adapté aux réalités des fermiers. Ils viennent rapidement chercher les invendus, même en petites quantités, ce qui facilite grandement notre travail. C’est un partenariat gagnant-gagnant.
S&S : Comment imaginez-vous l’avenir de la lutte contre le gaspillage alimentaire en Montérégie d’ici 10 ans ?
Olivier : Le gaspillage alimentaire se produit à plusieurs niveaux : à la maison, dans les grandes surfaces et parfois dans les champs. Pour le réduire, il faut éduquer les gens à cuisiner avec ce qu’ils ont, et encourager les circuits courts, comme les paniers de légumes locaux, qui ajustent la production à la demande réelle. Les initiatives comme celles des Complices, qui transforment les invendus, sont aussi essentielles.
Cela dit, il ne faut pas confondre tous les types de pertes. Laisser au champ des légumes abîmés, affecté par les aléas de la température ou malades ne relève pas du gaspillage au même titre que jeter des produits comestibles. Ce type de perte fait souvent partie d’une gestion durable des sols. Le qualifier de gaspillage ajoute une pression sur les agriculteurs pour produire des légumes parfaits, parfois au détriment de l’environnement.
S&S : Quels sont les défis auxquels vous faites face dans cette lutte contre le gaspillage ?
Olivier : Le principal défi, c’est la rentabilité. Parfois, récolter certains légumes coûte plus cher que ce qu’ils rapportent. Par exemple, détruire une mauvaise production de brocoli peut sembler choquant, mais si personne ne les achète, le fermier ne peut pas assumer cette perte. Il y a aussi la question de la fertilité des sols : récolter tout ce qui pousse épuise les terres. Il faut trouver un équilibre entre récupération et préservation des ressources. Des initiatives de glanage organisé pourraient aider, mais elles doivent être bien structurées pour ne pas devenir un fardeau pour les producteurs.
S&S : Comment les politiques ou les règlements influencent-ils vos activités de récupération et de valorisation ?
Olivier : Pour l’instant, je ne vois pas de politiques qui nous freinent. Au contraire, les crédits d’impôt pour les dons alimentaires sont un incitatif fort pour les producteurs. Cela dit, il y a encore du travail à faire pour sensibiliser les décideurs à l’importance de soutenir les initiatives locales et les modèles alternatifs comme les coopératives.
S&S : Pouvez-vous partager une réussite récente dont vous êtes fier ?
Olivier : Je suis très fier de notre modèle coopératif. Nous offrons à nos employés des conditions de travail équitables : des semaines de 40 heures, des congés payés, et une conciliation travail-vie personnelle. Dans un secteur où les longues heures et la précarité sont courantes, nous montrons qu’il est possible de faire de l’agriculture tout en respectant les travailleurs. C’est une fierté pour nous et un exemple pour la communauté.
S&S : Quel impact votre ferme a-t-elle sur la communauté ?
Olivier : Notre modèle inspire d’autres fermes à repenser leurs pratiques. Nous montrons qu’il est possible de concilier rentabilité et bien-être des travailleurs. De plus, en encourageant les circuits courts et les paniers de légumes locaux, nous renforçons l’économie régionale. Chaque dollar dépensé chez nous reste dans la communauté, contrairement aux achats dans les grandes surfaces.
S&S : Quel conseil donneriez-vous aux citoyens et citoyennes pour réduire le gaspillage alimentaire ?
Olivier : D’abord, apprenez à cuisiner avec ce que vous avez déjà. Planifiez vos repas en fonction des aliments qui périssent rapidement. Ensuite, soutenez les initiatives locales : abonnez-vous à des paniers de légumes d’une ferme près de chez vous, achetez dans les kiosques locaux, et encouragez les organismes qui font de la revalorisation alimentaire comme les Complices Alimentaires. Ces gestes ont un impact énorme sur la réduction du gaspillage et sur l’économie de la région.
S&S : Voyez-vous des avantages économiques concrets à collaborer avec des entreprises et initiatives en revalorisation alimentaire ?
Olivier : Absolument. Les crédits d’impôt pour les dons alimentaires sont un avantage direct. De plus, la transformation des surplus en produits comme le kimchi ou les jus permet de créer de nouvelles sources de revenus tout en réduisant les pertes. C’est une piste que nous explorons de plus en plus, car elle offre une solution durable pour valoriser ce qui ne peut pas être vendu frais.